Concilier vie de famille et vie professionnelle : une utopie ?

Concilier vie de famille et vie professionnelle : une utopie ?

Pour une fois on va parler un peu d’un sujet sérieux. Mercredi, j’étais au spot des efluent mums où Najat Vallaud-Belkacem intervenait sur le thème de la conciliation vie personnelle/vie privée.

Et je dois avouer que ce thème me parle énormément. Je suis en poste depuis de nombreuses années dans une administration. Alors que mon retour au travail après ma première grossesse s’était plutôt bien passé, le retour après la naissance de Raoul a été très compliqué (doux euphémisme).

Quand je suis revenue de mon premier congé maternité en 2008, j’ai adapté mes horaires à ma toute nouvelle vie de famille : départ à 17h15 pour être chez la nounou à 17h30, fin des départs inopinés à 20h, début des congés enfant malade… Tout s’est très bien passé et en tout cas on ne m’a jamais rien reproché. Mais avec le recul, je me rends compte que si on ne m’a rien reproché, on a rien fait pour me faire progresser dans ma carrière : salaire qui n’a pas bougé depuis mon retour de congé maternité (j’ai demandé une augmentation, j’ai eu 15€ de plus par mois après une stagnation de 4 ans), de moins en moins de responsabilités, l’embauche d’une supérieure hiérarchique…

Par contre, à mon retour de congé maternité en 2012, les choses avaient changé. J’avais deux nouvelles responsables. Des femmes. Des mères. Mais qui m’ont fait payer mon désir de vouloir m’occuper de mes enfants. On m’a imposé de commencer à 7h30 le matin alors que j’avais demandé à commencer à 8h15 pour continuer à allaiter Raoul, on m’a donné des missions sans importance, on m’a rabaissé, on m’a caché des informations ou on a pris des décisions le mercredi (et oui, j’avais eu l’audace de prendre un 80%). Le retour de tout congé maternité est difficile, on sort de la bulle qu’on s’était créée avec son bébé pour reprendre le chemin du travail, bien souvent alors que bébé est tout petit. Je m’attendais à de l’entraide, à être soutenue. On m’a mis la tête sous l’eau. On pense que dans le public, c’est plus « cool », que le fait d’être maman n’est pas mal vu. On pense mal.

Je n’ai jamais lâché, j’ai entendu des choses hallucinantes. On m’a reproché des choses, on m’a fait comprendre que le fait que je sois maman et surtout que je veuille m’occuper de mes enfants tout en travaillant était un problème. Je ne voyais plus mes enfants le matin puisque je quittais la maison alors qu’ils étaient endormis. Alors je partais plus tôt le soir pour pouvoir les voir un peu. On m’a dit de prendre une nounou pour pouvoir finir plus tard. On a dit que mon allaitement ne devait pas perturber la bonne marche du service. On m’a dit qu’on avait pensé à me virer mais qu’on ne l’avait pas fait car j’avais enchainé les grossesses (j’ai passé 6 ans en CDD et il y a 4 ANS entre mes enfants je le rappelle).

Mais j’ai tenu bon. Parce que je savais que j’avais mes enfants et mon amoureux. Que le travail est ce qui me permet de gagner de quoi vivre mais que ça n’est pas ma vie. Que ces deux femmes qui m’ont pourri la vie devaient être bien malheureuses pour être comme ça. J’ai tenu bon, j’ai changé de service et depuis presque un an, je conduis ma fille à l’école le matin et j’habille mon fils après lui avoir donné le biberon en faisant un câlin. Le mercredi, je m’occupe de ma fille, on passe la journée ensemble. Ça parait tout bête mais c’est un bonheur sans nom.

A côté de ça, je sais que pour l’instant, ma carrière professionnelle est en stand-by. Je n’ai pas un poste enrichissant. Je prends plaisir à aller travailler car j’ai de super collègues. Mais je ne prends pas de plaisir dans mon boulot. J’ai peur de changer d’entreprise et d’être de nouveau confronté à ce que j’ai vécu.

On parle beaucoup des pays scandinaves. C’est un peu LE modèle. On change les rythmes scolaires car on envie leur réussite. On se dit que c’est super quand même ces papas qui prennent un temps partiel, ces mamans qui allaitent si longtemps.

Mais en France, si les enfants finissent l’école à 15h ou 16h, ils sont bons pour se farcir 3 à 4 heures de garderie. Si les enfants ont école le samedi matin, ils vont passer 5 jours et demi en collectivité et donc être crevés.

Mais en France, dans de nombreuses entreprises, les papas qui prennent ne serait-ce que leur congé paternel sont mal vus. Ceux qui prennent un congé parental, n’en parlons pas…

Mais en France, les mamans doivent reprendre le travail alors que leur bébé n’a même pas 3 mois. Fini le congé d’allaitement. Elles ont droit à 1h par jour pour tirer leur lait ou venir allaiter leur bébé s’il est à proximité. Une heure non payée. Et combien de mamans qui tirent leur lait dans les toilettes ? Combien de mamans qui se paient des réflexions car elles passent avec un biberon plein de leur lait (j’ai connu ça).

Mais en France, on trouve encore normal de programmer des réunions à 18h. On dit encore « Bonne après-midi » aux personnes qui s’en vont à 17h après une journée de travail.

Mais en France, on a encore cette culture si horripilante du présentéisme. Mieux vaut être à son bureau jusque 20h et ne rien faire plutôt que de partir à 17h après avoir fait une journée de travail entière et remplie.

On aura beau changer les rythmes, faire des lois, signer des promesses pleines de bons sentiments. Tant qu’on n’aura pas changé les mentalités, ça ne servira à rien.

Je suis une professionnelle de la communication. J’ai un bac+5 et 7 ans d’expériences. Je suis passionnée par mon métier. Et je suis AUSSI une maman qui veut pouvoir s’occuper de ses enfants et les voir grandir. Suis-je donc une utopiste ?

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17 Comments on “Concilier vie de famille et vie professionnelle : une utopie ?

  1. Oui, je te rejoins totalement. Et ce qui me désolé le plus c’est que tes 2 anciennes chefs, personnes ne leur a demandé d’être comme ça. C’est une tendance naturelle de l’être humain, qui plus est des gonzesses…

  2. Pfiouu… je voudrais que l’on soit collègues ahahah x) ! Je suis tellement d’accord avec toi et tellement triste de tout ce que tu as subi (je m’apprête à devenir maman, et pourtant, j’en ai déjà vu de toutes les couleurs dans le monde du boulot…ça, ça forge le caractère !). J’ai été mise dehors alors que j’étais enceinte de 3 mois, depuis, je « profite » de ce temps et me demande si je vais vraiment me donner à fond dans les recherches d’emploi après le congé maternité ou pas. Tu vois ce que je veux dire ? Surtout qu’entre gagner le smic à bosser (et à ne pas voir son bébé, mais des gens qui te font des reproches à longueur de temps et sont toxiques pour ton bien-être) et gagner le smic à rester chez toi, ben…je crois que le choix se fera vite :s. Le système est mal foutu.
    Bon courage pour tout !

  3. c’est vraiment abusé… et bravo pour avoir tenu avec ces 2 femmes horribles, c’est dingue ce besoin de pourrir et d’écraser les gens!! je me demande si comme toi en France on réussira vraiment à changer de mentalité pour un réel équilibre!!

  4. pufff ça ménerve tout cela… tu as raison tu mets le doigts sur tout ce quon sait mais pourquoi nessaie t on pas de le changer!!!!
    je parlais justement avec chéri de se nouveau congé parentale pour lui hier, et du fait que ça pourrais etre bien dici 3 ans quil prenne 1 mercredi par semaine pendant 6 mois…tu parles sa réponse n’a pas été en rapport avec ces envies mais sa boite, la possibilité de le faire etc…mais on sen fou non?ça ne devrait pas etre son soucis..et ben si ça l’ai.
    Idem quand je lui demande de partir a 16h30(ce qui est normalement écrit dans son contrat de travail)…
    Si on sait travailler on le fait en temps et en heure et pas le soir après 18h!

  5. Merci pour ce bon article. Effectivement nous sommes loin d’une politique pro maternité et d’une façon ou d’une autre ce sont les femmes qui trinquent. Je travaille dans un milieu « masculin » et mener ma grossesse a été très difficile car mon directeur ne faisait preuve d’aucune compréhension. J’ai aussi appris qu’à mon retour je ne reprendrai pas mon poste suite à une réorganisation …

  6. Bravo pour cet article..
    Je suis moi aussi passionnée par mon boulot et j’ai la chance d’être assez libre niveau horaire, gestion de mon travail etc.
    Mais ma boss est aussi du genre a penser que le boulot passe avant tout et que si on part avant 19h on n’est pas vraiment investi dans son boulot.
    Je rêve d’un 80% mais dans ma branche c’est impossible. Ou alors je serai payée à 80% mais je ferai tout de même du temps plein.
    Bref, concilier vie pro et vie de famille est loin d’être simple. Je pense qu’on cherche tous un idéal.
    Une chose est sûre : ma famille passera toujours avant le reste..

  7. Bel article, pertinent et réaliste ! reprise du travail il y a 2 mois pour moi après 15 mois d’arrêt mais super boss et temps aménagé (80 + 8h45-17h) même en étant cadre, je me rends compte que j’ai de la chance ! Finalement le tout c’est de bien s’organiser, no time pour les papotages, rêveries et autres procrastination ! Pourvu que ça dure ! Bises, Caroline

  8. Bravo pour cet article.
    Je fais à peu près le même constat. Parmi mes amis de fac, ceux qui réussissent ne comprennent pas du tout pourquoi j’ai fait des enfants aussi « tôt » au détriment d’une carrière plus conséquente.
    Je constate tout de même que les supérieures féminines sont souvent pires que les hommes. Combien de fois ai-je entendu dire par ma boss qu’elle avait travaillé jusqu’à 8 mois et demi en attendant des jumeaux…
    Je trouve bien que tu aies trouvé un équilibre, au moins ponctuel, avec ce nouveau poste, je te souhaite franchement de d’épanouir professionnellement.
    Et je t’embrasse, même si ça n’a rien à voir.

  9. Merci beaucoup pour cet article aussi bien touchant, qu’intéressant!
    Tu soulignes judicieusement la difficile évolution des mentalités en France.
    Je ne suis pas maman, mais je travaille dans un milieu masculin, et je ne peux compter le nombre de fois où j’ai entendu des réflexions sur « ces femmes qui se sont données le mot pour tomber enceintes toute en même temps », « qui ne sont jamais là… ».
    Je suis donc totalement solidaire de cette cause.

  10. Je vais revenir encore ici écrire tant j’ai de choses a dire aussi sur mon expérience.je travaille bien trop et j’ai un métier qui est difficile a adapter avc une vie perso,j’aime mon job,ma boîte je l’adore mais c bien trop compliqué!

  11. Tu as tout dit !!! ça m’horripile cette tendance au présentéisme pffff

    ici je fais 08h30 – 17-h non stop et je sais que ça choque parfois, mais je ne suis pas chez moi avant 18h30, le temps de récupérer la miss !

  12. Je suis 100 %¨d’accord avec toi, vouloir profiter un peu de ses enfants quand on a un bac +5 c’est super mal vu, c’est ce qui m’a fait franchir la cap de freelance pour pouvoir être plus avec eux sans être freinée ou mal jugée, mais j’y ai quand même beaucoup perdu financièrement… 🙁 Donc oui utopie en France…

  13. Très bel article… Par contre, des fois les femmes sont les pires des chieu*** :-/
    J’appréhende la reprise même si je change de service et que je rejoins une équipe féminine, des femmes qui ont des enfants de mon âge et qui veulent me former +++ même si je ne suis qu’à 50%… Alors que mon ancien chef a permis mon changement de service car en échange d’une maman de 3 enfants à 50% il récupère une jeune femme de 35ans célibataire sans enfants…
    Mais lorsque j’ai repris après la naissance de mes juju, bcp de choses étaient décidées le mercredi matin seul jour où je n’étais pas là …
    Je souhaite à toutes les mamans travailleuses d’avoir un job et des collègues qui leur permettent de concilier vie pro et perso.
    :-*

  14. Comme je te comprends. Je finis à 18h mais avec les bouchons je rentre vers 19h je ne vois mon loulou qu’une heure le soir et je ne peux me permettre de prendre un 80% car on ne s’en sortirait pas financièrement. Je pourrais te parler d’une expérience que j’ai eu très dernièrement si tu veux en privé.
    Bon courage et bravo pour ta combativité!

  15. Si tu savais combien ton billet me parle. J’en ai presque les larmes aux yeux tellement je ne me sens plus à ma place depuis que j’ai repris le boulot. Le sentiment d’être laissée au fond de mon placard, d’être prise pour le dindon de la farce en matière de promotion et de rémunération et surtout le droit de la fermer ou de m’en aller. Seulement, avec une famille à nourrir et un crédit à payer, on ne claque pas la porte comme ça. Alors je réfléchis, est-ce que je change de boulot? pour une autre entreprise plus respectueuse de l’équilibre vie pro-vie perso (est-ce que cela existe vraiment)? est-ce que je décide de créer mon propre job (avec les risques financiers que cela comporte)?
    Plein de questions qui tournent en boucle chaque matin et chaque soir dans la voiture, alors que la boule au ventre se serre.
    Et je sais pourtant que je ne suis pas à plaindre, je n’ai pas subi de harcèlement moral, ni de remarques désagréables, on ne m’a pas refusé mon souhait de prendre 3 mois de congé parental, mais je suis triste et choquée de voir que la carrière des femmes subit encore trop leur souhait de fonder une famille.

  16. Je suis PARFAITEMENT d’accord avec toi… tout est très clair et devrait contribué à faire évoluer les mentalités… La ministre ne lit pas ton blog par hasard ça aurait été salutaire !

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