[Lecture] Chanson douce de Leïla Slimani
Comme tous les ans, j’ai l’intention de lire plusieurs livres en lice pour le Goncourt. Celui-là, on me l’a conseillé, non sans m’alerter : pour une mère (ou un père) de famille, il peut être dur à lire (émotionnellement parlant).
Et c’est justement pour ça que j’ai voulu le lire (je n’aime pas faire ce qu’on me dit de faire :p). Et à vrai dire, à l’inverse, je pense que c’est un livre dont on comprend encore plus la portée quand on est parent.
Lorsque Myriam, mère de deux jeunes enfants, décide malgré les réticences de son mari de reprendre son activité au sein d’un cabinet d’avocats, le couple se met à la recherche d’une nounou. Après un casting sévère, ils engagent Louise, qui conquiert très vite l’affection des enfants et occupe progressivement une place centrale dans le foyer. Peu à peu le piège de la dépendance mutuelle va se refermer, jusqu’au drame.
Le livre commence par la fin, dès les premières lignes, on apprend que deux enfants sont morts et que tout accuse la nounou qui s’est ouvert les veines. On assiste par une description de la scène à la découverte du drame par la mère, ses hurlements, son désespoir, tels des témoins impuissants de cette tragédie.
« Le bébé est mort. Il a suffi de quelques secondes. Le médecin a assuré qu’il n’avait pas souffert. On l’a couché dans une housse grise et on a fait glisser la fermeture éclair sur le corps désarticulé qui flottait au milieu des jouets. »
Puis l’histoire se déroule, implacable, depuis le début. On entre dans l’intimité de Louise, cette femme discrète qui vit seule et dont la vie finit par ne tourner qu’autour de cette famille qui s’appuie de plus en plus sur elle. Je me suis sentie si proche de Myriam qui étouffe auprès de ses enfants et trouve un épanouissement dans le travail. Pour elle, l’arrivée de Louise est providentielle, c’est une nounou mais elle devient bien plus que ça, elle devient indispensable à l’équilibre de la famille.
L’écriture de Leïla Slimani est dynamique, presque saccadée et donne un rythme fou et implacable à l’histoire. Comment la nounou, de prime abord, telle une Mary Poppins sombre-t-elle dans cette folie meurtrière? Comment a-t-elle réussi à s’imposer ainsi dans cette famille? Pourquoi Myriam et Paul n’ont pas réagi? Les différences sociales entre les protagonistes sont décrites de manière délicate, la psychologie des personnages est subtile et la thématique de la conciliation vie pro/maternité (thème qui m’est cher) est présente et extrêmement finement traitée.
(…) la maîtresse aux cheveux gris a fait un large geste de la main. « Si vous saviez ! C’est le mal du siècle. Tous ces pauvres enfants sont livrés à eux-mêmes, pendant que les deux parents sont dévorés par la même ambition. C’est simple, ils courent tout le temps. Vous savez quelle est la phrase que les parents disent le plus souvent à leurs enfants ? “Dépêche-toi !” Et bien sûr, c’est nous qui subissons tout. Les petits nous font payer leurs angoisses et leur sentiment d’abandon. »
C’est le deuxième roman de Leïla Slimani et croyez-moi, on a pas fini d’entendre parler d’elle (et de mon côté, je me mets son premier roman « Dans le jardin de l’ogre » dans ma PAL). A noter que ce livre est dans la première sélection pour le Goncourt et que les jurés se réuniront de nouveau les 4 et 27 octobre pour leur deuxième et troisième sélection. Leïla Slimani est également en lice pour les prix Renaudot et Flore.
Chanson douce de Leïla Slimani
Paru le 18 août 2016 chez Gallimard
Je l’ai commencé ce matin…Le permier chapitre te met tout de suite dans l’ambiance (glups)….J’avais entendu une critique et son auteur à la radio, et malgré le sujet…Délicat, j’avais envie de lire sa manière d’écrire, et comment elle amenait le lecteur à la fin qu’on connaît au début (très clair, hein)… Je ne connaissais pas son premier livre, si ça me plaît (c’est bien parti pour), je le mettrais aussi dans ma PAL.