La petite femelle de Philippe Jaenada
J’avais La petite femelle depuis un moment dans ma PAL car je l’avais sélectionné parmi plusieurs titres en lice pour le Renaudot et le Goncourt. Et puis j’ai lu « D’après une histoire vraie » qui a eu le Renaudot et que je n’ai pas aimé du tout.
De prime abord un (tout petit) peu impressionnée par les 700 pages que compte le livre, je l’ai finalement lu en une bonne semaine.
Au mois de novembre 1953 débute le procès retentissant de Pauline Dubuisson, accusée d’avoir tué de sang-froid son amant. Mais qui est donc cette beauté ravageuse dont la France entière réclame la tête ? Une arriviste froide et calculatrice ? Un monstre de duplicité qui a couché avec les Allemands, a été tondue, avant d’assassiner par jalousie un garçon de bonne famille ? Ou n’est-elle, au contraire, qu’une jeune fille libre qui revendique avant l’heure son émancipation et questionne la place des femmes au sein de la société ? Personne n’a jamais voulu écouter ce qu’elle avait à dire, elle que les soubresauts de l’Histoire ont pourtant broyée sans pitié. Telle une enquête policière, La Petite Femelle retrace la quête obsessionnelle que Philippe Jaenada a menée pour rendre justice à Pauline Dubuisson en éclairant sa personnalité d’un nouveau jour. À son sujet, il a tout lu, tout écouté, soulevé toutes les pierres.
Je ne connaissais pas l’histoire de Pauline Dubuisson qui pourtant s’est passée à Lille. J’ai donc commencé le livre sans a priori. On la suit depuis son enfance, élevée « comme un garçon » par un père qui oublie de l’aimer et une mère transparente. Puis pendant la guerre où elle découvre son pouvoir sur les hommes en même temps qu’une soif absolue de liberté. Utilisée par son père qui fait affaire avec l’ennemi, Pauline Dubuisson sera tondue à la Libération pour avoir couché avec des Allemands. C’est alors qu’elle entame des études de médecine, son rêve..
Toute cette première partie, celle d’avant le meurtre, permet de mieux la cerner, comprendre (ou en tout cas essayer) sa psychologie. J’avoue que j’ai trouvé certains passages un peu longs et trop détaillés mais on arrive au moins à comprendre certaines de ses réactions.
Et puis le 17 mars 1951, Pauline Dubuisson, tue son ancien petit ami, Félix Bailly, en tirant sur lui à trois reprises avant de tenter de mettre fin à ses jours. S’en suit un procès aussi injuste que médiatique, durant lequel un véritable lynchage médiatique est mis en place. Les situations sont dures, à plusieurs reprises j’ai tremblé pour la jeune femme que Philippe Jaenada rend plus humaine que tous les portraits que j’ai pu lire sur elle par la suite.
L’auteur se réfère souvent à des livres, des articles et des films inspirés de l’affaire. La plupart du temps à charge contre Pauline Dubuisson ou réécrivant l’histoire, je pense qu’ils n’aident pas à réellement comprendre l’affaire. Par exemple, le film La Vérité réalisé par Henri-Georges Clouzot et sorti en 1960 ne s’inspire que de très loin de l’affaire mais sera en quelque sorte fatal à Pauline Dubuisson puisqu’il remettra la lumière sur elle alors qu’elle tentait de refaire sa vie à sa sortie de prison, l’obligeant à quitter la France (je n’ai jamais vu ce film et je pense que je vais le regarder, même si je n’aime pas BB). J’avoue que l’affaire m’a vraiment intéressée et que je me suis penchée sur plusieurs autres récits pour avoir d’autres points de vue, bien souvent très négatifs il faut le dire. (Je vous conseille cet article qui explique plutôt bien l’affaire.)
Heureusement, le livre n’est pas entièrement sombre. Non, car l’auteur digresse régulièrement. Que ce soit en racontant des anecdotes personnelles ou en donnant son avis sur les paroles ou les réactions des uns et des autres, il permet d’alléger l’atmosphère du livre. Et vraiment, quand on voit comment Pauline Dubuisson a été traitée, ça permet de ne pas balancer le bouquin de rage. Plusieurs fois, j’ai souri et même carrément ri, un peu comme si un pote franchement drôle (et avec une bonne dose d’humour noir) me racontait l’affaire. J’ai lu certains commentaires disant que ça les avait gêné pendant la lecture, personnellement j’ai plutôt trouvé ça rafraichissant. Et comme je suis un peu du même genre (si vous me lisez souvent, vous devez le remarquer, je suis adepte des parenthèses), ça ne m’a pas dérangé. Et puis j’adore les saucisses.
Au final, je vous conseille vraiment ce livre (qui aurait bien plus mérité le Renaudot que le Delphine de Vigan)(Je vous ai déjà dit que je ne l’avais pas aimé? :p)
Merci pour cette critique!